28/11/2014
Art contemporain : l'heure du discernement
"Rétrospective" (!) Jeff Koons à Beaubourg... Relance médiatique de l'affaire McCarthy... Enfumage officiel. Mais ça ne dispense pas d'une réflexion intelligente :
On connaît diverses formes de critique de l'art contemporain, dont celles-ci :
- la posture des « libéraux conservateurs », schizophrènes en ce domaine aussi*, qui consiste à vitupérer cet art sans s'en prendre au marché de l'art (dimension pourtant essentielle) et sans y regarder de plus près ;
- la réflexion catholique, qui cherche à discerner. On la trouve par exemple dans les actes du colloque 2013 de l'Office Foi et culture de la CEF : L'art contemporain et la foi, un dialogue difficile**. J'en extrais ces éléments d'analyse par Philippe Sers (professeur au Collège des Bernardins), qui propose de débusquer la vraie culture de notre temps « loin derrière la tranquille fatuité des pompiers de notre époque », et « au-delà des mirages et des intimidations du marché de l'art » :
<< Le prêt-à-penser contemporain véhicule un certain nombre d'erreurs de base. Je n'en citerai que trois :
1. La première position, celle qui affirme que toute création s'inscrit dans une dynamique de transgression, a été théorisée à partir d'une grossière naïveté. […] La transgression du consensus s'est progressivement transformée en un consensus de transgression. [Celui-ci] vise quasiment toute règle en matière d'éthique... [Il] équivaut à légitimer une manifeste falsification, puisque dans ces conditions le témoignage devient mensonger.
2. La deuxième position se fonde sur une mésinterprétation. C'est la théorie de « l'interprétation constituante » : […] ce serait l'interprétation du critique qui constituerait l'oeuvre d'art. [Ainsi l'urinoir de Duchamp devenu pont-aux-ânes aujourd'hui : Duchamp voulait ridiculiser le consensus snob***, mais la culture actuelle commet l'erreur] de regarder ce geste comme une promotion du n'importe quoi. [...] Abandonner au consensus social la responsabilité de reconnaître l'oeuvre d'art est une négation de tous les acquis de la modernité. Cela revient in fine à cette absurdité de dire que c'est le collectionneur ou le commissaire qui décrète qui est artiste, voire que c'est le collectionneur ou le commissaire qui est l'artiste. C'est un défi au bon sens.
3. La troisième erreur se trouve dans la haine étrange, presque compulsive, que vouent au catholicisme des surréalistes comme André Breton ou Benjamin Péret. À partir de cette position, qu'on est tenté de qualifier d'hystérico-critique, s'est installée l'idée que la modernité se définissait par la rupture avec la tradition juive et chrétienne... >>
Sers rappelle au contraire que « la révolution des arts » fut ouverte « par des chrétiens » : Kandinsky (Du spirituel dans l'art), Hugo Ball (fondateur du dadaïsme), puis Olivier Messiaen, Joseph Beuys, Tadeusz Kantor « ou même Bill Viola »... « Ce n'est pas un hasard si le totalitarisme, qu'il soit hitlérien ou stalinien, a englobé judaïsme, christianisme et avant-garde radicale dans un même rejet qui culmine avec la haine du judaïsme, mais qui veut aussi remplacer le christianisme. Ce rejet amalgamant les trois ennemis du totalitarisme met en lumière la parenté profonde qui existe entre les sources de la culture contemporaine et la tradition juive et chrétienne : c'est la relation personnelle à l'absolu, c'est le refus des idoles de notre temps. »
Kandinsky voulait « un art vraiment pur au service du divin ». Kantor posait le postulat spirituel et le liait « au thème de l'Evangile comme seul moyen d'expression »... Y a-t-il encore quelque chose de ça dans l'art d'aujourd'hui ? Selon Sers, l'art contemporain est « en quête du sacré », mais « à de rares exceptions près » il est « incapable de rendre compte du mystère chrétien ». Cela contrairement, par exemple, au modèle de l'image sainte que donne l'iconostase orthodoxe... D'où hilarité quand France Inter qualifie les oeuvres (?) de Jeff Koons « d'icônes les plus commentées » ! Le mot « commentées » reflète exactement ce que dénonce Sers (« abandonner au consensus social la responsabilité de reconnaître l'oeuvre d'art »). Et les produits de l'homme d'affaires Koons, daube commerciale, sont aux antipodes de l'icône... Mais on sait que le mot « icône » (absorbé par l'idiome business-web) a perdu son sens artistique : sens sur lequel Fleur Pellerin– ministre technoïde de la Culture – n'en sait pas plus que la journaliste de France Inter.
Tout l'art contemporain ne se ramène pas à Koons. Au lieu de s'enfermer dans un rejet (qui mènerait d'ailleurs sur des chemins scabreux), les catholiques français exercent le discernement : « reconnaître les pierres d'attentes qui conduisent au Christ dans les oeuvres de notre temps qui cherchent la vérité » : car il en existe. Mais « ce discernement s'apprend, et cet apprentissage fait partie des invitations du concile Vatican II »... Il serait temps, cinquante ans après.
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* voir la note d'hier sur la droite et le discours du pape.
** Parole et Silence.
*** « J'espérais décourager le carnaval d'esthétisme. Mais les néo-dadaïstes utilisent les ready-made pour leur découvrir une valeur esthétique. Je leur ai jeté l'urinoir à la tête comme une provocation, et voilà qu'ils en admirent la beauté esthétique... » (Marcel Duchamp, lettre du 10 novembre 1962 à Hans Richter).
■ À lire, les analyses de Philippe Sers : Totalitarisme et avant-gardes / falsification et vérité en art (Les Belles-Lettres, 2001).
Kandinsky, la Grande Résurrection (1911) :
« Une mise en espace de l'itinéraire spirituel »
11:59 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : culture
Commentaires
UN DEMI-SIÈCLE
> Nous sommes en train de dépasser le stade de l'art contemporain dont vous parlez et qui pourtant définit parfaitement ce qui a été célébré pendant un demi-siècle.
"transgression" :
Il y a quarante ans, une œuvre qui faisait scandale et provoquait des réactions violentes faisait la fierté de l'artiste. Aujourd'hui, celui-ci réagit comme une vierge effarouchée, comme une victime naïve découvrant la méchanceté des hommes.
Les œuvres actuellement célébrées se veulent des illustrations du prêt-à-penser actuel, ce qui explique pourquoi l'artiste se défend dans les polémiques en s'appuyant sur les institutions et sur le pouvoir établi.
« l'interprétation constituante » :
Quand j'étais à l'École du Louvre, je m'amusais à imaginer de beaux discours pour donner une valeur à n'importe quoi. Aujourd'hui, cela n'a plus cours. Les éloges d'artistes ne sont plus que des articles vantant un placement avantageux.
Que peut-on dire devant le "Sapin" de la place Vendôme : rien. Ça ne marche que par la trivialité : "la colonne n'est qu'un bête objet du passé qui ne veut rien dire, sauf à y voir un objet sexuel comme le suggère mon œuvre". Déjà, une "météorite écrasant jean-Paul II", "œuvre" presque ancienne, avait été désignée comme la meilleure œuvre d'art contemporain lors d'un sondage.
Ce n'est pas l'interprétation qui compte mais la hausse du prix de l'action… Euh, pardon, de l'œuvre.
"haine du catholicisme" :
Ça existe encore ça : le catholicisme ?
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Écrit par : Guadet / | 28/11/2014
> Koons et son homard flottant dans le palais de Versailles sont une très bonne image de ces pseudos élites vivant hors-sol, indépendantes du monde qui les entoure, en contradiction avec lui, puériles de vanité, qui se croient insolentes alors qu'elles sont consternantes.
Dans un monde qui refuse toute transcendance, une transgression c'est de parler de la foi, du sacrifice.
Exposer une toile sur laquelle vous écrivez "non, l'avortement n'est pas un droit" ça ce serait une transgression (mais pas une oeuvre d'art).
L'art va avec la recherche du beau.
Aujourd'hui on cherche à surprendre donc à exister (pour être vendu).
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Écrit par : E Levavasseur / | 28/11/2014
UN SUCCÈS DE SCANDALE
> Ah, l'art transgressif !
Dernièrement, alors que l'épisode du machin gonflable me revenait à l'esprit, la lumière fusa. Le ou les auteurs du dégonflage étaient des artistes du plus haut niveau qui soit, puisqu'ayant réussi à scandaliser jusqu'au président de la république. Les critiques d'art auraient dû les porter aux nues.
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Écrit par : Barbara / | 28/11/2014
ART
> Pour ce qui est de Marcel Duchamp, on m’a expliqué sa démarche de la façon suivante : je vais mettre un urinoir en vente dans un magasin d’art, si un marchand d’art l’achète, alors ce sera une œuvre d’art. Le marché est donc bien à la source du problème. C'est pour ça qu'il ne peut pas être critiqué.
Maintenant, il y a de très belles choses, en art moderne. Que l’on songe par exemple à la superbe chapelle des dominicaines réalisée par Matisse à Vence.
J’avais lu, il y a fort longtemps, dans le courrier de l’Unesco, de mémoire, quelque chose écrit par Luc Ferry (je sais ce n’est pas toujours terrible - et c’est un euphémisme) : il expliquait combien dans l’Antiquité, ce qui comptait était de refléter des valeurs universelles, alors qu’aujourd’hui ce qui compte c’est qu’un artiste s’exprime. Il ajoutait d’ailleurs, qu’en général, on connaît les œuvres d’art antiques, mais rarement le nom de leur auteur, alors que c’est rigoureusement l’inverse aujourd’hui.
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Écrit par : ND / | 28/11/2014
PULSIONNEL
> L'art contemporain c'est de l'art pulsionnel d'où cette nécessité d'exposer un sex-toy vert géant sur la place Vendôme à Paris.
Je me permets de reprendre ce que Vincent Cheynet écrivait dans son dernier livre au sujet de l'art contemporain:
"L'art contemporain participe de cette même démarche que la musique techno: il évacue toute dimension transcendante, poétique et réenchantrice du monde. La sensibilité, la mélodie, sont autant de notions évacuées au profit de l'expression d'une idéologie froide, dure, brutale, déshumanisée, à l'image de ces buildings en verre et en béton qu'engendre notre époque.[...]
Mais cette dérive s'exprime plus encore dans la scatologie si importante dans l'"art" contemporain. Le réenchantement disqualifiant l'artiste, l'"art" contemporain devient une invitation à tirer vers le bas.[...]."L'art, c'est le caca", le fameux bidet de Marcel Duchamp a en quelque sorte inauguré cette voie du "scato-art" . ("Décroissance ou décadence", Vincent Cheynet, Le pas de côté, pp.122 et 123)
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Écrit par : Arnaud Le Bour / | 28/11/2014
PUISSANTS ET VIDES
> La vérité est que l'AC est l'art au service de l'idéologie des puissants de l'époque. D'où sa vacuité.
Il y a quelques siècles, il était aussi au service des puissants, mais ceux-ci se proclamaient chrétiens, et même si cela était de l'affichage pour certains, les artisans (on ne disaient pas ce mot vulgaire d'artiste) de l'époque bâtissaient des églises, composaient des messes, peignaient des Vierges à l'enfant.
La source d'inspiration était autre !!!
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Écrit par : ludovic / | 28/11/2014
DÉBAT
> 1-Il est étrange de voir comment des dérisions sont prises au sérieux en notre époque qui se prend terriblement au sérieux.
L'urinoir de Duchamp, mais aussi le terme de big bang pour l'instant créateur de l'univers alors que l'appellation venait d'un détracteur catégorique, Fred Hoyle ou encore mieux, en mécanique quantique, cette blague de fin de congrès selon laquelle un chat pouvait être à la fois vivant et mort. Le prétendu paradoxe de Schrödinger contenait deux grosses erreurs de raisonnement mais fut repris par des vulgarisateurs.
2-Même en laissant à part ces attrape-nigauds qui sont des attrape-fric l'inconvénient de bien des oeuvres contemporaines, abstraites ou excessivement stylisées est qu'elles ne parlent pas d'emblée au spectateur. Un vitrail abstrait comme ceux du P. Kim Je Joong peut produire un état, une atmosphère de méditation, mais on ne lui trouver un sens sans être guidé par l'auteur. N'est-ce pas fâcheux?
PH
[ PP à PH - L'abstrait peut aider à la méditation, voyez certains monastères trappistes ! De son côté, le figuratif exprime l'Incarnation. Les deux soutiennent la prière... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 28/11/2014
KANDINSKY
> Une remarque : qualifier Kandinsky de chrétien me paraît un peu rapide. Il était passablement adepte d'occulte et son livre 'Du spirituel dans l'Art' s'inscrit dans le courant de pensée de la théosophie, c'est-à-dire une gnose préfigurant le New Age.
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Écrit par : Edel / | 28/11/2014
McCARTHY
> Pour revenir sur le machin gonflable (et finalement dégonflable) de P. McCarthy, pour que la critique encensât les dégonfleurs, il eût fallu :
premièrement, que ceux-ci assortissent leur acte d'un discours diafoiresque expliquant en quoi leur acte était une œuvre d'art (amusant exercice de pastiche à faire) et d'un titre (par exemple, "Leaf").
Deuxièmement (et c'est là que l'acte était voué à l'échec critique), qu'ils pussent vendre quelque chose : ils n'avaient pas leur place dans le marché !
Par ailleurs, on constate souvent, en effet, que quelques "œuvres" contemporaines mettent en émoi, par leur caractère "transgressif", un certain nombre de catholiques. Lesquels feraient mieux d'en mettre en évidence la nullité, le ridicule et le mercantilisme - éventuellement avec le sourire, ce qui ne gâte rien. Et en précisant qu'en somme bon nombre de ces prétendues œuvres ne sont qu'un bégaiement, une répétition mécanique de l'urinoir de Duchamp, lequel commence à dater (et une œuvre d'art n'est-elle pas unique ?).
Enfin, il est triste de songer que le bruit fait autour de ces "œuvres" occulte probablement de nombreux travaux réellement inspirés.
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Écrit par : sven laval / | 28/11/2014
MAIS
> Tout cela est très juste, mais
le vrai problème, c'est que :
une société sans transcendance ne peut pas avoir d'art.
Restent dans les médias et les institutions des bouffons jouant le personnage d'artiste people. Cela suffit à ce qu'on appelle "la vie culturelle".
De vrais artistes il en existe encore, mais ce sont des passéistes qui n'ont plus leur place dans notre belle société moderne :
http://lespoir.jimdo.com/2014/11/26/jean-marie-cavada-cie-des-casseurs-à-l-em-lyon/
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Écrit par : Guadet / | 29/11/2014
DOXA
> Dans le cas précis de la littérature cette doxa (c'en est devenue une) de transgression institutionnelle (toujours les confins du libertaire et du libéral, paire siamoise qui décidément fait époque) cette doxa disais-je fausse tout, et inonde tout.
Comme relevé par Horace Engdahl:
"Aujourd’hui il y a une mode de la narration des expériences réelles, un grand nombre de romans traitent des mêmes sujets chocs, font semblant d’être transgressifs. Mais on sent que cette transgression est fictive, stratégique. Ceux-là, souvent formé à l’université européenne ou américaine, ne transgressent rien parce que les limites qu’ils déterminent comme nécessaires à franchir n’existent pas".
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Horace-Engdahl-Un-prix-Nobel-doit-porter-la-force-de-l-universel-2014-10-06-1244896
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Écrit par : Aventin / | 29/11/2014
TWOMBLY
> Je crois que certaines oeuvres atteignent aujourd'hui de telles sommes, et un tel retentissement, parce qu'elles expriment précisément en négatif toute la spiritualité qui vient à manquer au monde moderne : par exemple, un peintre que j'aime beaucoup, Cy Twombly. Le spectateur est troublé, heurté, dépaysé. L'artiste l'amène à contempler sa misère par rapport à la beauté dont il a égaré les traces.
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Écrit par : jem / | 29/11/2014
CULTURES
> Merci Guadet pour ce lien si révélateur. La culture, l'art, disons, doit faire partie de la réflexion intégralement écologique. Les écologistes pensent certainement à la beauté mais il serait bon qu'ils le disent plus fort. Non pas que les écologistes aient à dire aux artistes ce qu'ils ont à faire ou à ne pas faire, mais le sens de la beauté artificielle ou naturelle ne fait-il pas partie de notre relation avec la création et le Créateur?
Ex: pourquoi les sculptures accompagnant les religions précolombiennes et leur furie sacrificielle étaient-elles déformées et repoussantes, et pourquoi notre admiration pour ces oeuvres s'est-elle développée de pair avec notre déchristianisation?
PH
[ PP à PH - Judicieuse évocation du problème de notre regard actuel sur les Aztèques... On a vu se développer depuis quarante ans, à partir des universités américaines, un système de "mise en acceptabilité" de la Shoah anthropophage qu'était la religion de Tenochtitlan. Pourquoi cette mansuétude envers quelque chose d'infernal, que l'on ne tolérerait rétrospectivement d'aucune autre civilisation ? Plus on étudie "l'économie du sacrifice aztèque", plus on se dit qu'une culture entière peut devenir pathologique. Lire par exemple
Christian Duverger : 'L'origine des Aztèques' (Recherches anthropologiques - Seuil, 1983)
et 'La fleur létale - Economie du sacrifice aztèque' (ib. 19789). Ça plonge dans un abîme de réflexions : voire de parallèles avec notre temps. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 01/12/2014
@ PP et P Huet
> Et que dire de la mansuétude à l'égard d'un Che Guevara ?
- "oui il a fait fusiller de masses de gens, mais ça veut dire qu'il est allé jusqu'au bout de ces convictions"
- "c'était un pur, il faut comprendre."
Invoquer une pureté de sa vision de la révolution pour justifier les holocaustes des exécutions de masse, pour justifier que ces exécutions aient été aveugles (il savait qu'il y avait plein de non opposants parmi les fusillés mais c'était un sacrifice à faire), tout cela est le signe qu'on fait passer la révolution, l'idéologie, bref l'idée, l'abstrait avant la plus simple humanité.
Pour justifier cela, il faut d'abord ne pas aimer l'humain.
Soit ne plus voir la sacralité de la vie, soit toujours la voir pour justement l'offrir en sacrifice à l'idéologie.
"les Européens doivent servir l'euro" c'est un autre sacrifice humain.
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Écrit par : E Levavasseur / | 01/12/2014
"PAR" CE TEMPS !
> Un des intervenants de ce colloque, Ph. Malgouyres, indique que tout n’est pas contemporain de manière égale, l'Art Contemporain n'est pas ce qui est produit en ce temps mais par ce temps. Cela rappelle la vieille plaisanterie sur ceux qui sont plus égaux que d’autres.
1) Mais qui va homologuer, labelliser, estampiller, authentifier, valider, officialiser une œuvre afin qu’elle soit considérée comme contemporaine et non rejetée dans la beaufitude ? Et de quelle autorité ?
Et ceci introduit une autre question, qui n’a pas été traitée dans ce colloque, à qui s’adresse l’AC ?:ou plutôt, qui le reçoit, ou mieux, qui l’accepte ? La question ne manque pourtant pas d’impact sur la pastorale.
2) La réalité, au moins celle qui est visible, est que le public en général rejette presque complètement la modernité artistique labellisée comme telle. C’est surement paradoxal par rapport à notre mode de vie mais c’est comme cela. Après tout, même les archéologues utilisent les techniques de pointe, car ce n’est pas du même ordre.
Deux symptômes :
a) regardez ce que les particuliers font construire. Ce n’est que très rarement inspiré de Le Corbusier ou du Bauhaus.
b) visitez des expositions de peintres amateurs et écoutez les répertoires des chorales d’amateurs. Ces artistes amateurs sont pourtant des personnes plus cultivées que leur milieux ambiant et ayant une réelle sensibilité artistique. Même sur France-Musique, les écoles sérielles ou concrètes cèdent du temps d’antenne à des musiques comme ….les dérivés du tango (Piazzola, Gagliano etc…)
Et chez les catholiques ? C’est pareil !
c)-Que chantent les chorales paroissiales ? du J.L. Florenz ? Que nenni ! Des airs traditionnels, romantiques, parfois baroques, et souvent, avec les fidèles, ce qu’on qualifie de « moderne » en réalité chants dérivés de la culture – et parfois sous-culture- commerciale du monde des variétés. Et celle-ci est imprégnées des traditions anglo-saxonnes, gaëliques ou négro-américaine. Ce n’est pas « moderne » au sens de l’AC estampillé ! Enfin, n’entend-on pas revenir des adaptations de mélodies médiévales ou byzantines (P. Gouze, entre autres) ?
d)-Et que regardent les paroissiens ? C’est la grande arrivée…des icônes qui ont comblé des vides ou même supplanté des œuvres à la modernité homologuée ! Mais aussi, pour son nouveau Chemin de Croix en terrain plus accessible, le sanctuaire de Lourdes a commandé l’œuvre très début de siècle (20ème, pas 21ème ) de Maria de Faykod.
3) Aussi y a-t-il une immense incompréhension, aggravée par l’autisme du microcosme dominant. L’auteur du fameux « Piss Christ » s’en est dit désolé. Le nigaud ! Dans nos famille paysannes, on ne jetait pas aux ordures une image pieuse en mauvais état, on la brûlait, signe de respect et de pureté. Si encore une qualité d’exécution avait manifesté par l’effort artistique son intention. Mais pisser dans un bocal, y plonger un crucifix et photographier n’attire pas la considération.
Finalement, face à ce hiatus entre le monde réel et le microcosme qui se considère comme une locomotive, il faut se demander s’il sera possible de raccrocher le train après la rupture d’attelage due à la brutalité des mécaniciens ou si un malicieux démon n’a pas manœuvré un aiguillage envoyant locomotive et train sur des voies différentes.
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/12/2014
REJET
> Sur le rejet d'une certaine architecture:
http://www.slate.fr/story/95541/annees-60-architecture
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/12/2014
@ Pierre Huet
> L'analyse de Slate est biaisée, et donc fausse.
Une façade tout en verre, en 1900, c'était moderne ; en 1960, ça pouvait encore être considéré comme tel. Mais aujourd'hui, après la période post-moderne, comment présenter ça comme une œuvre de création contemporaine !?!
D'ailleurs une façade en verre n'a d'intérêt architectural que pour supprimer une frontière entre intérieur et extérieur : entre un bureau et un jardin, entre une habitation et la nature sauvage. Quel intérêt pour ceux qui seront à l'intérieur du bâtiment de Sanaa de se retrouver dans la cohue de la rue de Rivoli ?
Le Corbusier et le Bauhaus font partie de l'histoire de l'architecture maintenant. Ils peuvent toujours servir de référence, mais au même titre que Garnier, Gabriel ou Michel-Ange.
On oublie par ailleurs que la charte d'Athènes, bible des architectes modernes, prévoyait aussi le respect du patrimoine architectural. L'idée qu'on peut construire n'importe quoi n'importe où n'est que de la vieille barbarie, de l'obscurantisme qui n'a rien à voir avec la vraie tradition moderne.
La vraie modernité est dans l'attention portée aux usagers et à l'environnement. Le projet de Sanaa n'est qu'un coup de pub sans intérêt architectural. Essayer de le présenter comme une œuvre moderne et importante en profitant de l'opposition pour le faire passer pour la création d'un génie incompris est un crime contre l'esprit, un blasphème contre l'art et contre la modernité.
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Écrit par : Guadet / | 24/12/2014
@ Guadet
> Moderne, pas moderne ??? n'étant pas assez affuté pour saisir touts les nuances entre les diverses phases et discontinuités de l'architecture, je me place du point de vue du badaud, voire du visiteur: un bâtiment est-il ou non en rupture avec son environnement, casse-il une perspective ou plus modestement une atmosphère, une ambiance? Montre-t-il davantage l'enflure de ses décideurs qu'un soucis d'intégration et d'harmonie? A ce point de vue, une construction ou une installation industrielle doit être appréciée différemment selon qu'elle se situe rue de Rivoli, à la Défense ou dans un village du Vexin. La manie qu'ont certains de vouloir "marquer la présence de la (post?)modernité" dans un paysage et de faire de la coûteuse et arbitraire prouesse technique ( voir le ruineux diplodocus de la confluence lyonnaise) est cause du rejet signalé par Slate, et le fond de l'article n'est pas idiot malgré les approximation que vous pouvez détecter.
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/12/2014
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